Création le 3 Mai 2024 à l'Opéra de Saint Etienne. Co-Production Palezetto Bru-Zane
Direction musicale : Hervé Niquet
Mise en scène : Gilles Rico
Scénographie et Costumes : Bruno de Lavenère
Chorégraphie : Jean-Philippe Guillois
Lumières : Bertrand Couderc
Orchestre et Choeur de l'Opéra de Saint Etienne
Xaima : Chloé Jacob
Hermosa : Elodie Hache
Manoel : Léo Vermot-Desroches
Ben Said : Jérôme Boutillier
Hadjar : Mikhael Timoschenko
Le Cadi : Kaelig Boché
Iglesia : Clémence Barrabé
Comédiens.nnes :Julie Jurado, Nitya Peterschmitt, Eloïse Plasse, Swan Bélémy
Photos : Cyrille Cauvet, Bruno de Lavenère, Eric Viou
Très intelligemment démarqué du problématique orientalisme de son livret, et magnifiquement distribué, le dernier opéra de Charles Gounod fait une résurrection très remarquée au Grand Théâtre Massenet. Que faire, en 2024, d'un opéra de 1881 où des Sarrazins espagnols du IXe siècle fantasmaient sur quelques dizaines de vierges ? Tout simplement un brûlot féministe ! Gilles Rico a décalé ce mitan de l'Al-Andalus dans le XIXe siècle de la création du Tribut de Zamora….Le formidable crescendo du bref Prélude montre Charcot à l'œuvre devant les convulsions poussées jusqu'à l'impudeur d'une femme cristallisant l'attention masculine sur un lit qui ira jusqu'à la lévitation au gré d'un parti-pris scénique où l'onirisme sera le maître-mot : toute l'action sera celle des visions d'un cerveau agité, celui d'une femme traumatisée par la guerre…Vampirisée par les manipulations de Charcot et ses sbires (l'armée de Sarrazins du livret est ici une armée de doctorants sous hystérie religieuse), elle tentera une impossible libération… L’intelligence du parti-pris, perceptible jusque dans les lumières et les costumes, inscrit la réapparition du grand opéra qu'est Le Tribut de Zamora, plus d'un siècle après une création fêtée par le public autant que vilipendée par la critique, au zénith des plus belles résurrections auxquelles s'est dédiée la maison stéphanoise.
De ce mélodrame un peu convenu… Gilles Rico a fort bien fait de ne conserver que la trame, en transposant l’ensemble dans un tout autre univers. On prétend souvent qu’une œuvre jamais jouée ne supporte pas un tel traitement : la production stéphanoise prouve le contraire…C’est dans un univers onirique que le spectateur est transporté… avec en prime quelques belles images illustrant les fantasmes des protagonistes. L’œil est séduit par les décors et costumes de Bruno de Lavenère, et le spectacle avance sans aucun temps mort.
« En transposant la chronique médiévale vers la contemporanéité de Gounod, le metteur en scène Gilles Rico et le scénographe Bruno de Lavenère désamorcent habilement les supposés religieux et racisés de la IIIe République colonialiste (« Sarrasins, nos oppresseurs »). Le choix de cette fin du XIXe siècle fait écho à la stigmatisation de l’hystérie féminine par le docteur Charcot, une maladie qui nourrit les fantasmes sexuels d’un patriarcat tout puissant. Cette lecture est d’autant plus cohérente que la figure entre les camps ennemis est la « folle » Hermosa…ses hallucinations causées par le trauma de la bataille de Zamora la conduisent vers la guérison… cette relecture de l’opéra en 2024 balaye judicieusement l’effort d’imagination historique du public, mais elle double la cruauté qui affecte les deux héroïnes victimes du patriarcat. Une double peine que lève in extremis leur assassinat de Ben-Saïd en clôture d’opéra, acte féminin d’émancipation. »
Pour mettre en scène cette œuvre oubliée, la maison stéphanoise a fait appel à Gilles Rico, qui a préféré ne pas suivre le livret pour « retourner à une thématique essentielle qui est au cœur du livret, qui est celle de l’émancipation »… Le personnage développé est alors celui d’une jeune femme vivant aux alentours de 1881 – date de la création de l’opéra – ayant vécu plusieurs expériences traumatisantes, dont la guerre, et qui se retrouve donc à l’hôpital de La Salpêtrière sous la direction du docteur Charcot. Elle va halluciner le Tribut de Zamora, en y intégrant petit à petit des éléments de sa vie réelle… Le travail de Gilles Rico offre une belle lisibilité. Certes, les deux mondes – le livret et l’hôpital – peuvent surprendre, mais ils parviennent finalement à cohabiter et à offrir une histoire dans laquelle on ne se perd pas… La transposition fonctionne et permet aux multiples rebondissements de ne pas être saugrenus… Avec la résurrection scénique de cette œuvre, l’Opéra de Saint-Etienne prouve qu’il faut compter sur lui pour ne pas hésiter à dépoussiérer des ouvrages oubliés et leur rendre toute la beauté et l’importance qui leur sont dus.
La réalisation visuelle de Gilles Rico s’écarte très fortement du livret en déplaçant l’action à Paris au XIXe siècle…à l’époque du docteur Charcot qui étudie l’hystérie sur des patientes à l’hôpital de la Salpêtrière… Ce concept original retient toute notre attention.
Déroutant pendant la première partie, le parti pris finit par convaincre… Gilles Rico concentrant sa mise en scène sur les conflits intimes, auxquels il confère une vérité poignante… Bilan positif, donc, pour une résurrection scénique bienvenue.
Grande surprise, l’action se déroule dans un univers gothique caverneux, moderne et dégagé… Le metteur en scène Gilles Rico a choisi de représenter le drame au temps de sa création (1881) et à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière, autour de Xaïma l’hystérique et de Ben-Saïd le psychiatre violent… Se concentrer sur la question de la folie des protagonistes ne revient cependant pas à abandonner l’intérêt des scènes. Les aspirations, les jeux de perception entre personnages survivent à une expérience scénique qui, dans son ambiance mystérieuse, apporte son lot de sensations, de symbolique nouvelle et de grand déploiement sensible.
Si l’on se plaît à penser que le public d’aujourd’hui possède tout le discernement nécessaire pour accueillir l’ouvrage dans son scénario d’origine, on comprend les raisons qui ont poussé Gilles Rico à dépasser le cadre religieux du propos, trop manichéen, pour traiter plus largement du sujet central de l’ouvrage : l’oppression féminine… Sous cette actualisation, l’argument reste parfaitement lisible…la
transposition s’avère judicieusement pensée… Partout, le jeu se déploie avec ardeur et inventivité, notamment dans un dialogue entre présent et passé… Ces visions oniriques forment un contrepoint à la folie et ouvrent d’autres voies d’interprétation riches et salutaires… Quant au public, en liesse aux applaudissements, nul doute qu’il sait désormais où récolter son tribut annuel d’opéra français !
El director de escena marsellés Gilles Rico, que a principios de temporada firmó para la Opéra Royal de Versailles una aclamada producción de Romeo e Giuletta de Zingarelli, traslada la acción, ambientada en el al-Andalus del siglo IX, a finales del siglo XIX y la convierte de paso en un alegato feminista. Unos finales de siglo en los que Jean-Martin Charcot se hizo famoso por sus experimentos neurológicos sobre la histeria femenina… En este paisaje devastado, rematado por siniestras horcas y poblado de calaveras, la Muerte está en todas partes. De hecho, toda la acción se basa en las visiones del cerebro perturbado de la heroína principal… Brutalizada por los experimentos de Charcot y sus secuaces… intenta una liberación imposible…Una resurrección que ha sido un rotundo triunfo entre el público de Saint-Etienne.
Hallucinant Tribut de Zamora...Une intrigue que le metteur en scène Gilles Rico a transposé avec pertinence loin de l'orientalisme exprimé du livret... Gilles Rico va raconter comme dans un rêve l'histoire du Tribut de Zamora à travers la jeune héroïne Xaima Et ça fonctionne."
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